Chapitre 7
Le soleil me réveille vers 8h00. J'ouvre les yeux doucement et me blottis encore un peu sous ma couette pendant 15 minutes. Je fais cela chaque week-end, pour me rappeler que je n'ai pas de cours et profiter de ce moment où je me dis que je peux encore dormir si j'en ai envie. Cependant, au bout d'un quart d'heure recroquevillée sous ma couverture, je me lasse et je finis par me lever, à 8h15. Je vais dans la cuisine pour préparer le petit déjeuner. Je mets la table tranquillement, en fredonnant doucement une chanson. Puis, comme il n'est que 8h30 et que je préfère attendre encore, je vais dans le salon pour ranger un peu. Emma ne sait absolument pas tenir une pièce présentable toute seule ; il faut automatiquement que quelqu'un repasse derrière elle. Bon, aujourd'hui, ça me fait passer le temps. Puis, tandis que je me prépare à manger, je vois arriver mon amie, en chemise de nuit Walt Disney à bretelles, ses cheveux roux éparpillés autour de son visage. J'ouvre de grands yeux et lui dis en riant :
« Et alors ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu es tombée de ton lit ?
- Non, pas ce matin, répond-elle en grognant, à 3h45.
- Ah oui… Mais justement, je pensais que tu te lèverais plus tard !
- Impossible. Ses cris ont hanté mon esprit pour toute la fin de la nuit.
Pendant que nous retournons à la cuisine et que je pose le petit déjeuner sur la table, nous repensons toutes les deux à ce qu'il s'est passé. C'est moi qui romps le silence :
- J'aimerais bien savoir de quoi elle a rêvé, pour que ce soit si effrayant…
- Elle a dit que c'était un souvenir. Si c'est vraiment ça, moi je ne veux pas savoir.
- Elle avait vraiment l'air angoissée, c'était… c'était bizarre.
- J'espère qu'elle va sortir aujourd'hui, au lieu de rester dans sa chambre. Ça ne sert à rien de se morfondre, si elle continue elle va faire une dépression.
- Laisse-lui du temps, je lui réponds, ça ne fait que depuis jeudi qu'elle est là. Il faut qu'elle s'habitue !
- Mais ce n'est pas en restant enfermée qu'elle va s'habituer au monde extérieur ! Aujourd'hui, elle sort de sa chambre !
Je souris. Dès le matin, Emma est beaucoup trop énergique pour moi.
- Tu sais quoi ? Je vais aller la chercher ! dit-elle avec un entrain soudain.
- Pardon ? Mais il est à peine 9h !
- Justement ! Autant lui montrer qu'on est là pour elle !
Avant que j'aie le temps de renchérir, elle part et se dirige vers la chambre de Domitille, pendant que je finis la cuisine. Quelques minutes plus tard, elle arrive en lui tenant la main pour l'obliger à venir s'installer avec nous. Elle a l'air perdue. Je soupire :
- Tu étais vraiment sérieuse ? Je pensais la laisser dormir ! Pardon pour ton réveil brutal, continué-je pour Domitille, Emma est toujours trop dynamique le matin.
Elle ne me répond pas, un peu intimidée. Ma camarade l'invite à s'asseoir, et Domitille, ouvrant enfin la bouche, lui demande :
- Pourquoi ?
- Bah… pour manger ! répond Emma.
Domitille s'étonne :
- Le matin ?
On se regarde toutes les deux, avec Emma, surprises :
- Bah… oui ! hésite cette dernière.
- Ah bon… Je ne savais pas…
- Tu ne mangeais pas le matin, d'habitude ? dis-je sans réfléchir. Qu'est-ce que tu…
Un pied s'écrasant sur le mien m'empêche de continuer. Je vois que notre nouvelle Gardienne baisse la tête :
- Euh… non… mais je ne mangeais pas beaucoup, à vrai dire.
Mince, il faut que j'apprenne à réfléchir avant de parler. C'est un de mes gros défauts, ça. Emma rattrape ma bêtise :
- Tant pis, viens avec nous ! À partir de maintenant, tu manges le matin !
On sert le repas à Domitille. Je ne sais pas trop comment être avec elle, pour le moment. J'espère qu'elle va mieux, depuis cette nuit. Alors, je lui demande :
- Tu as bien dormi cette nuit ?
Un bruit, comme une claque, se fait entendre. C'est Emma qui vient de se claquer la main sur le front, dépitée. Ah, je crois que je n'aurais pas dû poser cette question… Notre interlocutrice en face hésite, puis comme si elle venait de se rappeler, rougit et baisse la tête en disant :
- Oh, euh… pas vraiment… Désolée de vous avoir dérangées…
Emma essaie de lui faire oublier mon manque de tact une seconde fois en répliquant :
- Oh, tu ne nous as pas dérangées, rassure-toi ! On était surtout inquiète, mais on espère que tu vas mieux ! Ne baisse pas la tête et ne t'excuse pas, ce n'est pas ta faute ; tout le monde fait des cauchemars !
Elle relève la tête lentement, sans rien dire, mais je sens qu'elle tente de détourner le regard. La rousse me fixe avec un air, non pas énervé, mais lassé à mon égard. Je hausse les épaules et j'essaie de rattraper mon erreur en lui servant un bol de lait et des œufs :
- Bon allez, maintenant, on mange ! Cet après-midi, on reste ici et on t'initie à la vie dans une maison, puisqu'apparemment tu n'es pas beaucoup sortie de chez toi ! »
Domitille ouvre des yeux
surpris, comme si j'avais dit quelque chose de bizarre ; tandis qu'Emma
claque cette fois ses deux mains sur sa tête – en ce moment, elle pense
exactement « Mais qu'elle est bête ! ». Décidément, il va
falloir que j'apprenne à réfléchir dix fois avant de sortir une phrase à peu
près correcte…