Chapitre 5
Quand j'ouvre les yeux, deux personnes sont assises sur des chaises. La première, une femme brune aux yeux bleus, est en pleurs, la tête appuyé contre l'épaule de son mari, un homme aux cheveux châtain clair, aux yeux noisettes et l'air inquiet. Je les observe attentivement : ce sont mes parents. Depuis combien de temps sont-ils là ? Je cligne des yeux en gémissant. Mon père se tourne vers moi :
« Ma chérie ! Enfin !
Ma mère se lève et se précipite vers moi :
_ Alysée ! Mon petit cœur !
Ses larmes tombent sur mes joues. Je murmure :
_ Maman … Papa …
_ Oui, ma chérie, on est là.
Elle me caresse le visage tendrement.
_ Tu vas bien ?
_ J'ai mal à l'épaule. Et à la tête, aussi.
_ C'est normal, tu as eu un traumatisme crânien.
_ Je sais, Maman. L'infirmière me l'a dit.
_ Tu vas voir, ça va passer. Tu vas vite guérir, d'accord ?
_ J'espère, en tout cas.
Mon père me sourit :
_ Tu nous as beaucoup inquiétés, tu sais ? Tu as failli …
Je l'interromps :
_ Mais je vais bien, maintenant. Je suis vivante, tu vois ?
_ Oui je vois, ma chérie.
Et il m'embrasse sur le front. Au bout d'un moment, je leur demande :
_ Et Mattéo ? Et Margaux ? Ils vont bien ?
_ Ne t'inquiète pas ma chérie, il ne leur est rien arrivé, me rassure ma mère, mais ils ont eu très peur pour toi.
_ Mais ils sont où ?
_ Ils attendent qu'on les appelle, ils sont chez Mattéo.
_ Je veux les voir ! Aïe !
J'ai essayé de bouger mon buste, en vain. Cela n'a servi qu'à me faire mal à la poitrine. Je me rallonges avec une grimace.
_ Fais attention Alysée ! Tu viens seulement de te réveiller ! Me dit ma mère.
Je soupire.
_ Tu vas les appeler, alors ?
_ Oui, je te le promets, je vais le faire en sortant de l'hôpital. En attendant, tu vas te reposer.
_ Je viens de dormir !
_ J'ai dit te reposer, pas dormir !
_ Hum … Bon, d'accord.
Mes parents se lèvent.
_ On va te laisser, alors, m'annonce mon père, et on reviendra demain.
_ A demain, alors.
Après une dernière embrassade, ils sortent. C'est vrai que c'est fatiguant de parler quand on se réveille d'un coma de dix jours après un accident de voiture. Mais je ne veux pas fermer les yeux. Je n'ai pas envie de dormir, je ne suis pas fatiguée. Seule dans la chambre, je peux réfléchir. Mon rêve me revient par image. Ma mémoire n'est pas encore revenue entièrement, mais j'ai quelques images en tête. Et des sentiments. Qui était cette dame ? Quelle était cette lumière ? Qu'est-ce qu'elle voulait ? Pourquoi était-elle là ? Beaucoup de questions se bousculent dans ma tête. A cet instant, j'avais ressenti quelque chose que je ne connaissais pas, que je n'avais jamais ressenti auparavant. Je ne peux pas l'exprimer. C'est inexprimable. Finalement mes réflexions m'ont endormie. Je me réveille une heure plus tard avec un bruit de pas. Quand la porte s'ouvre, une infirmière entre, la même qu'à mon réveil. Derrière elle, se trouvent mes deux amis. Margaux sanglote et court vers moi :
« Alysée !
_ Décidément, je l'aurai entendu, mon prénom, aujourd'hui !
_ Mais c'est la preuve que tu es vivante, Aly !
_ Bon, vous êtes pardonnés, alors.
J'hésite à essayer de me lever. Tout à l'heure j'ai essayé. Et j'ai échoué. En pesant le pour et le contre, je me dis que j'ai suffisamment mal comme ça. Alors je reste allongée.
_ Moi je vais vous laisser, hein ? Je crois que je vous avez le droit d'être seuls un moment.
L'infirmière sortie, Margaux se précipite sur moi avec des yeux pleins de larmes :
_ Tu vas bien ?
Je réponds lentement d'une voix fatiguée :
_ Oui… Ça va… Mais j'ai mal au niveau de la poitrine.
_ C'est normal, précise-t-elle, tu… t'es pris la voiture en plein dans les côtes et la poitrine.
_ Comment va le conducteur, au fait ?
_ Bien, me répond Mattéo, il s'est évanoui au moment de… ce qui s'est passé… Apparemment il s'est blessé à la tête. Il s'est réveillé deux jours plus tard, mais il est sorti il y a quatre jours maintenant.
Mes amis ont du mal à parler de l'accident.
_ Désolée de vous avoir fait subir… ça.
_ C'est vrai que ça n'a pas été une partie de plaisir… dit Margaux.
_ Je m'en doute. Je suis vraiment désolée.
_ Ce n'est pas ta faute. Personne ne pouvait prévoir ce qu'il t'est arrivé.
Mattéo s'approche :
_ Tu sais, on s'est beaucoup inquiété pour toi.
Margaux raconte :
_ Tu aurais vu sa tête ! Il était blanc comme un linge ! Il criait au téléphone quand il a appelé tes parents ! On aurait dit qu'il avait vu un fantôme !
Ce dernier, d'habitude si vantard et souriant, n'essaye même pas de contredire mon amie. Au contraire, il s'explique :
_ C'est normal ! Comment tu aurais réagi à ma place ? Je t'ai vue allongée par terre, tu ne respirais plus…
Je ne sais pas quoi lui dire. Il a toujours été comme un frère jumeau protecteur avec moi. Avoir été impuissant comme ça, ça a dû lui être insupportable pendant ces derniers jours.
Il continue plus doucement :
_ J'ai eu peur, je… J'ai cru que tu étais…
Cette fois, je l'interromps :
_ Ça va, je sais. Ça aussi on me l'a dit. Je suis vraiment désolée de vous avoir fait peur comme ça.
Margaux me prend la main et dit :
_ L'essentiel, c'est que tu sois en vie, non ?
_ Oui… Mais ça va prendre du temps avant de réussir à oublier… ça et à… redevenir comme avant.
_ Alors n'oublie pas ! Prends ça comme une leçon à retenir ! Oui, je sais, ça fait bizarre mais comme ça la prochaine fois, tu feras attention ! intervient Mattéo. S'il y a bien un truc que tu dois faire c'est guérir et te reposer.
_ D'accord mais pas maintenant ! Je viens à peine de vous retrouver ! Parlez-moi du lycée. Comment vont les autres ? Qu'est-ce qu'il s'est passé après ?
Margaux hésite, puis répond :
_ Ben… On a tous été troublé par ce qui s'est passé mais… Ils vont bien. Ils attendent avec impatience que tu reviennes au lycée.
_ Je vais faire en sorte de satisfaire leur demande alors, dis-je en souriant.
Nous discutons encore pendant une bonne heure. Trop heureuse de les revoir, je n'ai pas vu le temps passer. Je comprends qu'il est temps de me reposer lorsque je commence à ne plus suivre le fil de leurs paroles. Margaux le remarque et me dit :
_ Je crois qu'il va falloir qu'on parte, Mattéo.
_ Oui, visiblement, Aly n'est plus en état de nous recevoir.
Je chuchote d'une voix rauque :
_ Vous reviendrez demain, hein ?
_ Demain, ce sont tes parents, m'informe mon amie, et deux visites ça fait beaucoup dans la journée.
_ Surtout quand on vient de se réveiller, renchérit mon ami d'enfance, la preuve !
_ On reviendra te rendre visite, Aly. C'est promis.
Elle m'embrasse sur la joue ; Mattéo m'embrasse sur le front et me murmure « Prends soin de toi, hein ? » de son air protecteur comme quand je suis malade ou que je ne vais pas bien ; et ils sortent de la pièce. A peine la chambre vide, mes yeux se ferment sans effort et je m'endors peu de temps après. Je crois que c'est la seule fois de ma vie où j'ai autant dormi !