Chapitre 3
Domitille
Mes yeux sont encore clos, mais je comprends que je ne suis pas seule dans la pièce. Il y a quelqu'un avec moi. J'ai peur de regarder autour de moi, peur de découvrir où je suis, peur de me rendre compte que ce n'était qu'un rêve et que je suis en train de me réveiller. Mais je ne peux pas rester sans rien voir toute la journée. D'autant plus que je suis en train de m’apercevoir que mon épaule refuse de bouger, et ma tête me fait mal. Tandis que je reviens à moi, mes sens reviennent à moi aussi.
« Je sais que tu es réveillée, tu sais ? Tu peux ouvrir les yeux, je ne vais pas te manger.
La voix que j'ai entendue m'a fait sursauter. Je ne la connais pas. Je ne sens pourtant aucune haine, aucun dégoût, aucune impatience. Je décide de laisser sa chance à cette personne et d'obéir. La première chose que je remarque, c’est que je ne suis pas chez moi ; je suis dans une chambre toute blanche, avec mon épaule gauche bloquée par une sorte d’attelle ou d'écharpe qui l'immobilise, et ma cheville droite est seulement protégée par un bandage, pourtant j'étais certaine qu'un os avait craqué. J'en ai aussi à la tête, au poignet, un pansement au bras et à la joue. J'ai tant de blessures ? Je ne m'en suis pas rendue compte.
- Comment te sens-tu ?
Je me tourne alors vers l'endroit d'où vient la voix. C'est une jeune fille, d'à peu près mon âge, je dirais. Ses cheveux sont roux, ses yeux verts. Elle porte une espèce de foulard bleu turquoise autour de son cou. Elle est jolie. Elle m'observe de la tête aux pieds, puis me sourit :
- Tu es dans un hôpital, pas loin de chez nous. Je suis désolée de t'avoir fait peur l'autre jour. Je ne voulais vraiment pas t'effrayer, et encore moins te créer tous ces problèmes. J'espère que tu ne m'en veux pas trop.
Je ne comprends pas un mot de ce qu'elle dit. Cependant je ne dis rien, par peur de la vexer. Je me contente de la regarder, et d'observer la pièce dans laquelle je suis. Je porte ma main droite à mon épaule, qui me fait mal.
- Attends, ne touche pas ! s'écrit soudain la jeune fille qui approche sa main de la mienne pour la prendre.
Dans un accès de surprise et de peur soudaine, je tape sur sa main pour l'éloigner. Surprise, elle recule d'un pas. Puis, elle continue de parler avec un air agacé :
- Mais c'est une manie de me frapper dans la main ou quoi ? Je voulais juste te dire de ne pas toucher ton épaule parce que tu vas te faire mal.
- Désolée, c'est… une habitude… essayé-je doucement.
- Pas grave, je comprends. Fais juste gaffe, la prochaine fois, me répond-elle après un instant de surprise en voyant que j'ai ouvert la bouche. Bon, écoute, je vais aller chercher quelqu'un pour prévenir que tu es réveillée. Ne bouge pas d'accord ? Je reviens dans cinq minutes !
Et elle s'en va en me laissant, et après quelques minutes, effectivement, elle revient avec une autre fille, qui semble avoir son âge, cheveux bruns et ondulés, les yeux verts, comme la première. Elle me sourit et me dit :
- Bonjour Domitille ! J'espère que ça va mieux, parce que tu as dormi environ trois jours, avec un sommeil agité le premier, mais c'est passé après et tu t'es reposée tranquillement. Je ne sais pas si tu t'étais fait soigner par quelqu'un avant, mais tu avais des cicatrices et des blessures plus anciennes que celles que tu t'es faites l'autre jour. Et aussi…
- Euh, Agathe ? Tu devrais respirer entre tes phrases. Et je crois que tu parles trop, tu as oublié les éléments essentiels que tu aurais dû lui donner.
Je les vois parler toutes les deux et je ne comprends toujours pas. J'ai dormi trois jours ? Pourquoi ? Je décide d'intervenir :
- Excusez-moi mais… Je suis où ? Et qui êtes-vous ? Qu'est-ce que je fais ici ?
- Voilà, je t'avais dit que tu avais oublié des éléments ! dit la rousse en riant.
- Pardon ! Je m'appelle Agathe, j'ai 17 ans et je fais partie des gens qui s'occupent de toi ! Tu es dans un hôpital, nous t’avons ramenée ici il y a trois jours, parce que tu étais blessée à cause de… Enfin, tu avais besoin de soins. Tu t'en rappelles ?
Je me souviens alors. À ce moment-là, deux personnes sont passées par ma fenêtre pour venir me chercher. Et puis, mes parents sont entrés dans ma chambre, et là… ce ne sont que des images floues. Sauf deux moments. Avant de m'évanouir, j'ai eu l'impression que l'on voulait me protéger. Puis, alors que je n'étais pas encore totalement dans les ténèbres, je me souviens que l'on m'a portée, avec délicatesse, comme si j’étais quelqu'un d'important et de fragile. À ce moment-là, mon corps a succombé à la fatigue et à la douleur, et je me suis laissé sombrer. Je contemple les filles devant moi et leur demande doucement :
- Qui… qui est venu dans ma chambre en passant par la fenêtre ? I-Il y avait deux personnes, vous… vous les connaissez ?
La jeune fille rousse s'exclame en se rejetant sur son siège :
- Ouais, c'était moi ! Avec Allan, un autre garçon que tu rencontreras dans pas longtemps. Je ne me suis pas présentée : je m'appelle Emma, j'ai 16 ans, et je suis une des quatre personnes qui sont venues te chercher pour t'emmener avec nous !
- Comment ça… quatre ?
- Oui, continue la dénommée Agathe, tu n'as pas pu le savoir, tu es tombée dans les pommes avant, mais on était deux autres personnes qui passions par le bas de ta maison !
- Oh, d'accord… Mais, comment… connaissez-vous mon prénom ?
- C'est… compliqué, il vaut mieux que la personne à l'origine de ton sauvetage te l'explique par elle-même. C'est Isaac, notre chef. Emma et Allan le surnomment « Grand Chef ».
Quelqu'un a demandé à venir me sauver ? Mais qui ? Personne ne connaissait mon existence ! Agathe s'assoit à côté de moi et me dit :
- Tu étais vraiment mal en point, tu sais ? Je ne comprends pas comment tu as pu tenir aussi longtemps. Je pense qu'Isaac devait te surveiller depuis un moment, s'il nous a demandé de te venir en aide.
Je baisse les yeux. Que répondre ? Elle a raison, je ne sais pas comment j'ai tenu jusqu'à maintenant.
- Je pense que tu le rencontreras bientôt, s'il a voulu ton bien. Tu verras, il est bizarre, mais il est gentil. Et surtout, il sait s'occuper de nous, me dit Emma.
Dès la fin de sa phrase, on entend quelqu'un frapper. Je vois entrer un garçon à la peau mate, aux yeux et cheveux noirs. Il s'adosse à la porte et, sans faire attention à moi, dit d'un air neutre :
- Elle est réveillée ? lui demande-t-il en me désignant de la tête, avec un drôle d’accent, semblant être d’origine étrangère.
- Comme tu peux le voir, oui, répond Agathe. Mais tu peux lui parler, elle est juste là et elle t'entend, tu sais ?
Il ne tient pas compte de cette remarque et après un « Hum… » qui nous fait comprendre qu'il s'en fiche un peu, continue :
- Elle peut marcher ? Isaac veut la voir.
Agathe lève les yeux et de dit :
- Je te présente Allan, il a l'air assez agaçant à première vue, mais ne t'arrête pas à cette première opinion ; en réalité il est très gentil…
Restant indifférent et toujours aussi sérieusement, celui-ci l'informe :
- Il a dit dès qu'elle pourra ou voudra bien se lever.
- … Quand il veut, finit la jeune brune. Repasse cet après-midi, elle ira le voir à ce moment-là.
Il lui fait un signe de tête pour lui montrer qu'il a compris. Il finit par me regarder attentivement pendant quelques secondes, avant de quitter la pièce en silence. Après quelques instants, Emma prend la parole :
- Bon, bah la bonne nouvelle, c'est que tu quittes l'hôpital cet après-midi ! Je viendrai avec toi, ne t’inquiète pas ! Je l'avais dit que tu le verrais bientôt !