Chapitre 2
La journée est passée extrêmement vite. Il est déjà 16h10, et nous avons fini la journée. Enfin, pas tout à fait. Nous sommes dans la cour, Élisa, Juliette et moi, à attendre que Margaux ait fini de faire son sac. Les garçons sont retournés chez eux. Ils nous rejoignent tout à l'heure, à 18h, avec Lilian et Julien, qui viendra avec Sandra, sa nouvelle chérie. Nous rejoindrons dans la soirée, Alicia et Ethan, le couple le plus populaire du lycée. Ça, c'est la classe ! Margaux aime les fêtes où il y a beaucoup de monde : souvent, elle invite un large nombre d'élèves du lycée.
Avec les filles, nous parlons de la soirée. Enfin, pour l'instant, nous parlons surtout des invités :
_ C'est génial ! Lilian sera là ce soir ! dit Élisa qui se réjouit d'avance.
_ Tu l'aimes bien, pas vrai ? fait remarquer Juliette, la voix pleine de sous-entendus.
_ Tu ne peux pas nier qu'il est plutôt mignon, non ?
_ Hum … Je préfère Ethan, il est mieux. J'espère que je vais pouvoir danser avec lui à la soirée !
_ Dommage pour toi, il est déjà pris ! je lui rappelle en souriant.
_ Tu peux parler, toi, reprend-t-elle, toi tu vas danser avec Mattéo !
_ Qu'est-ce que tu en sais ?
_ Bah c'est facile à savoir, tu as vu comment il t'a prise par les épaules ce matin ?
_ Ça ne veut rien dire, on est ami depuis la maternelle aussi !
_ Bah justement, c'est ça qui n'est pas normal ! Moi mon ami d'enfance, je ne l'ai pas vu depuis la quatrième ! m'explique Élisa.
_ Et Margaux et Antoine, alors ? Eux aussi ils se connaissent depuis la maternelle, je te signale !
_ Oui, mais eux ils sont déjà sortis ensemble deux fois ! poursuivit Juliette.
_ Vous êtes impossibles … Margaux, dépêche-toi ! Je me fais torturer par des bourreaux sans scrupule !
On rit toutes ensemble. Finalement, Margaux arrive avec son sac sur l'épaule :
_ Désolée de vous avoir fait attendre !
Je fais semblant de la gronder, essayant d'avoir l'air fâchée, les poings sur les côtés :
_ C'est intolérable ! Mes bourreaux m'ont torturée jusqu'au sang !
_ Ah, elles ont recommencé à parler de toi et Mattéo ?
_ Oui !
_ Pauvre de toi ! dit-elle, en prenant un air triste – malgré tout, on voit son perpétuel sourire vainement caché derrière.
_ Bon, allez, dépêchons-nous ! »
Élisa et son impatience légendaire nous rappellent à l'ordre et nous quittons les lieux.
Arrivées chez notre hôte, nous laissons nos sacs dans l'entrée et commençons déjà à déballer les affaires que notre hôte avait préparées pour la fête, qui commence dans une heure et demie. Nous nous affairons avec plaisir, nous rangeons, nettoyons, installons, décorons … Tout cela en parlant et riant en même temps. Lorsque nous avons enfin terminé, il ne nous reste qu'une demi-heure à attendre. Quelle passion ! Margaux nous dit :
« Il faudrait qu'on aille se changer, je crois. Vu la vitesse à laquelle Juliette et Alysée se préparent, autant s'y mettre maintenant !
Élisa saute de joie :
_ Oui ! Enfin ! J'attends depuis ce matin de voir la robe d'Alysée ! J'en peux plus d'attendre !
Nous allons donc nous changer. Huit minutes plus tard, on entend Juliette s'extasier sur la robe d'Élisa :
_ Waouh ! Ta robe est vraiment jolie !
_ Merci, répond celle-ci, je l'ai acheté à Camaïeu, c'était le dernier modèle.
_ Ah, c'est vrai qu'en ce moment c'est les soldes ! Faudrait qu'on aille voir un de ces jours !
Je demande à Margaux :
_ Tu peux venir m'aider ? Je n'arrive pas à accrocher ma robe !
_ Je viens !
Celle-ci enfilée, je sors. Mes amies ont les yeux écarquillés, et moi, je suis plutôt fière : ma robe est un vêtement bustier, moulant, avec des paillettes en étoiles.
_ Elle est magnifique ! Dit Juliette qui s'émerveille.
_ C'est sûr, tu vas être la reine de la soirée ! S'écrie Élisa.
_ Merci ! C'est ma tante Myriam qui me l'a offerte à Noël dernier. C'est la première fois que je la mets, j'attendais l'occasion parfaite pour la mettre.
_ Tu as eu raison de la choisir, tu es très belle dedans ! »
Tandis que nous nous maquillons, et finissons de nous préparer, Juliette s'approche et me chuchote :
« Tu vas faire craquer Mattéo, comme ça !
Je me fâche doucement :
_ N'importe quoi ! Je ne l'ai pas mise pour lui, tu sais ?
_ C'est ça, c'est ça …
_ Décidément, je ne sais plus quoi te dire, Juliette …
Comme toute réponse, cette dernière me fait un clin d'œil espiègle.
_ Je t'ai déjà dit que je n'étais pas amoureuse de lui de toute façon.
_ Mais lui, tu n'en sais rien ! Dit-elle en s'assurant que seule moi l'entend.
_ Il me l'a dit lui-même, murmuré-je.
_ Il y a ce qu'il te dit, et ce qu'il pense ! Déclare-t-elle en s'éloignant.
Je soupire. Mattéo a raison : on ne la changera jamais !
On entend alors sonner à la porte. Margaux va ouvrir : c'est mon ami d'enfance (quand elle le voit, Juliette me fait un clin d'œil discret, et je lève les yeux au ciel), avec Antoine, Lilian, Julien et Sandra. En nous voyant, Antoine se met à siffler :
« Eh ben ! Dites donc, les filles, c'est une soirée, pas un mariage !
Élisa explique :
_ Vous, en revanche, vous êtes un peu négligés !
_ Disons qu'on ne passe pas trente minutes à choisir un pantalon, un T-shirt et des chaussures ! On est quelque peu plus simple !
_ C'est ça le problème avec vous, les garçons : vous êtes trop simples !
_ Et vous, vous ne l'êtes pas assez !
J'imite Mattéo en lui prenant sa réplique de ce matin et levant les yeux au ciel :
_ Ah là là ! On ne les changera jamais, pas vrai ?
Tout le monde rit. Lilian finit par demander :
_ Est-ce qu'on peut entrer ? Ce n'est pas qu'il fait froid, mais … »
Il est vrai qu'on est au milieu du mois de mars, et encore en hiver. Mais Margaux a à peine le temps de fermer la porte derrière les garçons que d'autres personnes arrivent. Cette soirée risque de passer très vite !
* * * * * * * * * * * * * * *
J'avais raison, la soirée est passée très vite. Margaux avait invité à notre insu Lucas et Hugo, des amis de collège, dont un, Hugo, avec qui j'étais sorti en troisième. Nous nous sommes beaucoup amusés. Nous avons plus dansé que mangé. Mais surtout, je ne pensais pas qu'il y aurait autant d'alcool. Je n'ai jamais bu autant, je crois. Après avoir pris un verre, puis deux, puis trois, j'ai commencé à avoir chaud, à avoir envie de rire. J'ai dansé avec Mattéo, avec Antoine, Hugo, avec Margaux et Juliette aussi et tout le monde a dansé au fur et à mesure. Personne n'a vu le temps passer. Il était aux environs de 2h du matin quand les gens ont commencé à partir, et puis Élisa a dit qu'elle devait partir, et Juliette l'a imitée. Je veux alors les accompagner, mais je manque de tomber, et c'est Mattéo qui me rattrape en disant :
« Tu devrais rester ici cette nuit, Aly, c'est plus raisonnable.
Je refuse.
_ Non, non, je veux rentrer à la maison.
Margaux insiste :
_ Tu n'es pas capable de sortir toute seule, tu ferais mieux de dormir ici.
_ Maman va s'inquiéter.
_ Je peux l'appeler si tu veux.
_ Tu n'as pas son numéro.
_ Mais je vais prendre ton portable, ce n'est pas grave !
_ Je n'ai plus de batterie, et je ne le connais pas par cœur.
_ Ma mère l'a, je peux lui demander !
_ Non, non, non … Je veux rentrer …
Devant mon insistance, Mattéo, voyant que je n'en démordrai pas mais tout de même inquiet, décide de m'accompagner.
_ Je viens aussi, alors ! Déclare Margaux. De toute façon, il n'y a plus personne. »
Nous sortons alors. Malgré l'air frais de la nuit, je meurs de chaud, et j'ai la tête qui tourne. J'entends Mattéo et Margaux parler tout bas derrière moi :
« Tu n'aurais pas dû amener d'alcool ce soir.
_ Je ne pensais pas qu'il y en aurait autant !
_ Tu aurais dû préciser, et vérifier avant la soirée que personne n'en amènerait ! Je ne l'ai jamais vue comme ça !
Sur un coup de tête je décide de leur fausser compagnie, leur dit :
_ On fait la course jusqu'au stop, là-bas !
Et je m'élance.
_ Alysée ! Attends ! Ne pars pas comme ça, c'est dangereux ! Aly !!
Je ne sais pas lequel des deux a dit ça, mais ça ne m'empêche pas d'aller plus vite, malgré la dose d'alcool que j'ai ingurgité ce soir. Je ne sais pas si vous avez déjà couru en pleine nuit au mois de mars, mais je peux vous dire que ce n'est pas prudent. Surtout à 2h30 du matin. Alors, comme vous vous y attendez, à un moment, je tombe. Je n'avais pas vu la fin du trottoir. La fin du trottoir ? Ça veut dire que je suis sur la route ? C'est quoi, ce bruit de voiture ? Tant pis, je continue, je veux gagner ma course. Soudain, j'entends la voix de Mattéo hurler :
_ Aly ! Fais gaffe, recule !! Aly !!
J'entends un coup de frein. Je tourne la tête vers la gauche et vois la voiture freiner avec affolement. Trop tard. Je sens un choc contre ma poitrine. Ma respiration se bloque instantanément. Soudain, je ne touche plus terre, et me voilà envoyée en arrière. Et puis, un choc sur mon crâne. Alors c'est comme si la gravité n'existait plus, comme si j'étais entraînée vers le fond.
Tout devient noir, vide, et silencieux.
Et puis plus rien.